Jean-Baptiste Magnat

Jean-Baptiste Magnat : conseiller et Maire de 1900 à 1954

Par Yvan Cuesta
Articles écrits en 2009 et 2010 pour le bulletin municipal « Des Côtes au Majeuil »

Au cours de la séance du Conseil Municipal du 27 août 1954, le maire, Louis DUCLOT, élu deux jours plus tôt, rappelle, je cite; « qu’il avait été décidé l’achat d’une plaque commémorative de monsieur MAGNAT Jean, son prédécesseur décédé; il pense qu’il serait opportun de la placer dans le hall de la mairie et qu’ainsi hommage serait rendu à celui qui a œuvré si longtemps et si consciencieusement pour la commune » Monsieur REYNIER Marius, le plus ancien conseiller municipal, demande que l’on grave sur cette plaque l’énumération des travaux les plus impactant réalisés par Jean MAGNAT. Ces deux propositions, mises aux voix, sont acceptées à l’unanimité. Ce qui fut fait, la plaque étant accompagnée de son portrait. L’hommage ainsi rendu, largement mérité, avec le recul du temps s’adresse aussi aux membres des conseils successifs qui ont œuvré à l’unisson – l’impulsion étant donnée – et sans lesquels les projets n’auraient pas abouti.

Aujourd’hui encore, le souvenir de ce maire bienfaiteur est dans la mémoire des anciens de la commune.
Le cadre de ces pages ne permet pas d’être exhaustif; aussi l’évocation portera sur trois points: les hommes qui ont géré, le contexte dans lequel ils ont œuvré, enfin les réalisations principales.

Les hommes qui ont géré

MAGNAT Jean Baptiste Sylvain est né dans une famille de cultivateurs à Châtelus sur Isère, près de Pont en Royans, le 24 janvier 1875. A l’âge de 20 ans, le 29 avril 1895, il épouse COMBE Léoncie, âgée de 26 ans, limonadière au Vivier, alors domicilié à Saint Martin en Vercors, Drôme, où réside son père. Il est ouvrier mineur à Notre Dame de Vaulx. Le couple s’établit au Vivier, lui devenant négociant en vin et elle, épicière.

Dès le 20 mai 1900, Il fait partie de l’équipe municipale élue, municipalité qu’il ne quittera plus jusqu’à son décès en mai 1954, dans sa 80ème année, sauf interruption avant la guerre de 14/18.
Adjoint en 1919, il est réélu maire six fois de 1925 à 1953.
Ce qui retient l’attention, lors de la lecture des délibérations nombreuses et détaillées durant ses mandats, c’est un élan sans faiblesse, une volonté permanente et déterminée, clairement exprimée par une équipe soudée, unanime et dynamique qui salue assez souvent l’action personnelle très engagée de son maire à l’occasion d’affaires conclues très favorablement pour la commune.
Un exemple parmi d’autres pris dans la séance du 25 août 1925: après tractations avec la Compagnie des mines de La Mure, la commune du seul fait qu’elle met à exécution son projet d’adduction d’eau, bénéficie d’une subvention de la dite compagnie de 90 000F et la location de la source du Geai (du Jat) lui procurera pendant 60 ans un revenu annuel de 3 500F, convention passée entre Monsieur MAGNAT et Monsieur de RENEVTLLE Directeur de la Compagnie. Le conseil, à cette occasion, décide d’autoriser le maire à signer la convention et d’exprimer sa reconnaissance à Monsieur MAGNAT qui a été l’âme de toutes les négociations et à qui on doit sans conteste d’avoir conduit celles-ci à une fin aussi avantageuse ».
Trente conseillers, de 1925 à 1954, se succèdent à ses côtés pour mener à bien la gestion municipale; ils méritent largement d’être nommés dans l’ordre de leur entrée au conseil.
GAUTHIER Albert, RAVET Victor, CHABERT Jules, 2 fois adjoint spécial, PEYRIN Valentin, 3 fois adjoint, PEYRIN Marius, COMBE Firmin, GUILLOT Émile fils, RAVET Louis, GAUTHIER Léopold, REYNIER Marius, EMERY Joseph, RAVET François, GUILLOT Léopold, ANDRE Fernand 5 fois adjoint spécial, RAVANAT François, BIZET Albert 4 fois adjoint, MEILLAND-REY Robert, EYMERY Aimé, PERRIN Léon, SIMIAND Gaston, ROUDIER Georges, COLONEL Léopold, RAVET Georges, LĄMBERT Raoul, BATTAIL Maurice, BARET-ROBERT Léopold, GUILLOT Aimé, NICOLETTO Jean, DURANT Raymond, et COMBE Robert.

Démographie et activité économique

La gestion Magnat, au sens large, de 1900 à 1954—d’abord conseiller puis Maire à partir de 1925—s’accomplit dans un contexte particulier qui met en jeu principalement deux phénomènes liés: la démographie et l’activité économique.

La série des recensements quinquennaux officiels de 1836 à 1936 et la matrice cadastrale depuis 1831, les archives conservées en mairie, et quelques autres documents, permettent de rendre compte de ces phénomènes de façon chiffrée et datée. Un retour dans le passé est nécessaire: il abordera la question de la population puis celle de l’activité économique, ceci avant de traiter la période qui nous occupe.

Au 18ième siècle, la population double, en passant de 250 à 500 h en fin de siècle. Au 19ième siècle la poussée se poursuit et elle double à nouveau avec 700 h en 1850 et environ 1000 h en 1900. Au 20ième siècle, après la crue démographique des deux siècles précédents, le phénomène s’inverse. Pour la période large Magnat, on observe un palier de 800 h jusqu’en 1920…1925, puis un recul en deux temps, d’abord un lent déclin jusqu’en 1946 donnant 700 h puis une chute dès les années 1950 de 600 h à 350 h au milieu des années 1970. La commune retrouve alors un effectif d’Ancien Régime.

Concernant l’activité économique, la main d’œuvre agricole, essentiellement familiale, connaît deux périodes: au 20ième siècle, après le conflit 1914/1918, elle reflue à 200 personnes. Les forgerons cloutiers, eux, traversent le 19ième siècle en deux périodes et disparaissent; de 80 à 100 avant 1850, ils chutent à 60 en 1880 et à 20 en 1900. Les 18 forges à clous de 1831 disparaissent entre 1880 et 1890. La spécialité était le clou pour chaussures ou galoche; le clou industriel coulé et non forgé condamnera le clou matheysin.

La main d’œuvre minière grossit progressivement, de 10 mineurs en 1850, à 100 en 1896, à 150 en 1931 puis retombe à 10 avant 1940. Par la suite, la poursuite de la mécanisation augmentera la production et réduira les effectifs. Les causes de l’évolution charbonnière sur les deux siècles: au 19ième siècle, le transport par route limite la production à 46 000t; à partir de 1888, le chemin de fer à vapeur la mène à 200 000t/an. L’électrification de la ligne en 1907/1912 permet 300 000t en 1916, 570 000t en 1940, 620 000t en 1955.

La production a nettement augmenté, alors pourquoi la chute de 150 à 100 mineurs. Entre 1931 et 1940: la diminution de la population se conjugue avec les effets de la mécanisation naissante. Enfin un phénomène nouveau apparaît: la diversification des emplois. Au 19ième siècle, les emplois traditionnels des campagnes dominent outre la paysannerie: charron, maçon, menuisier, aubergiste, cordonnier…

A partir de 1890, les emplois féminins se multiplient en se diversifiant: gantière, couturière, repasseuse… A partir de 1900 et surtout après 1918, les emplois masculins se diversifient à leur tour: mécanicien, électricien, soudeur…

En résumé, sous le mandat Magnat, de 1900 à 1954, le doublement de la population et la permanence d’une activité agricole vont permettre de fournir les gros effectifs de l’artisanat cloutier limitant ainsi l’exode rural jusqu’en 1890. La mine prendra le relais de la clouterie locale, malgré le recul progressif de la population dû en partie au lourd tribut de la grande guerre. (35 tués)

Yvan Cuesta

Les principales réalisations de 1925 à 1954

A plusieurs reprises, les conseillers donnent les raisons qui justifient leur gestion mais c’est dans la séance du 25 août 1934 consacrée au projet d’une piscine qui ne verra sa réalisation que bien plus tard que s’exprime le mieux l’esprit qui a animé les municipalités Magnat.
Je cite: «cette piscine s’ajoutera à toutes les réalisations obstinément poursuivies par le conseil pour développer l’instruction, l’éducation, l’hygiène, la santé publique et morale des habitants en général et de la jeunesse en particulier».

L’adduction d’eau

Le projet est antérieur à la guerre de 1914/1918. Le but: améliorer l ‘approvisionnement de la commune assuré alors par des puits privés, des fontaines, des bassins publics alimentés par le captage de quelques sources. Il sera réalisé en plusieurs étapes, les années 1920 à 1940, soumis à des contraintes. Les prix d’après guerre ayant quadruplé les premières prévisions, les travaux de la source du Jat qui devait alimenter les villages du versant du Senépi sont abandonnés. Elle est remplacée par les sources de Richeboud et de Fongard.

La source du Jat, louée à la compagnie des mines pour 60 ans, sera d’un rapport intéressant: 3500F par an porté à 24 500F par an en 1948. A cette location s’ajoutait une subvention de 90 000F.
Les travaux d’adduction, de 1925 à 1928, coûtent 420 000F mais la part de la commune se réduit à 12 000F grâce aux subventions. Les abonnements, un robinet par maison, produisent 1 800F par an. Le conseil adresse ses remerciements et félicitations au Maire et décide qu’une plaque de marbre portant l’année 1926 et le nom du Maire sera fixée au-dessus des bassins des principales fontaines. Le tarif des robinets de ménage était: 20F par an pour un l/minute, 35F pour 2l et 45F pour 3l.

Mais les sources du versant du Connex sont moins nombreuses et d’un débit inférieur à celles du Senépi ce qui rend problématique la distribution dans les foyers.

Le Mollard, en 1930, par sa conduite particulière, reçoit 41l/mn. En 1934, les habitants réclament l’eau dans les maisons. La réglementation proposée alors n’intéressera que peu de personnes: 1l/mn en bonne saison, 1/2l en saison sèche et coupure nécessaire pour réserver l’eau aux fontaines publiques. Il faudra attendre l’après-guerre pour améliorer la situation. Le Majeuil, en 1927, la source de la Bonnafont étant insuffisante, celle de la Guépin est captée. Des réservoirs sont construit, un au Vivier, un autre au Mollard.

Les eaux usées

Pour les eaux à évacuer, les travaux s’échelonnent sur 10 années, de 1926 à 1937. En 1926, dans les rues principales de Treffort, du Vivier et des Côtes, les eaux des fontaines sont évacuées par des tuyaux en ciment. En 1928, au Mollard, le fossé d’écoulement qui traverse le village est remplacé par une conduite en ciment qui évacue les eaux pluviales et des fontaines supprimant ainsi un cloaque permanent. En 1933 au Majeuil et aux Côtes, les eaux pluviales sont évacuées par des conduites et en 1937 le Majeuil et Les Côtes ont des égouts.

Les chemins

Les voies de communication, petites ou grandes sont un soucis constant depuis toujours. L’entretien est permanent, les réparations fréquentes et l’amélioration parfois nécessaire. En 1951, ces lignes du registre des délibérations sont éclairantes: ’’la plupart des chemins communaux, établis en fortes déclivités, sont sujets à des ravinements fréquents qu’il faut réparer, cause des dépenses importantes…’’. La liste est longue des chemins vicinaux qui ont fait l’objet de travaux, citons les principaux. Le n°4, du Vivier à La Faurie en 1925/28, réfection du pont compris. Le n°1bis du cimetière à Sert Guillaume par Bayardière en 1025/29 et 1945/52, pour affaissement, subventionné par la Cie des mines qui l’utilise, élargissement de 1,80m à 4,50m. Le n°6 muletier de Sert Lesson, long de 6 kms, construit à grand frais; en 1926/1930 dégradé par les intempéries et les éboulements. Le chemin vicinal de la  xxxxx

L’éclairage électrique

La construction du réseau d’éclairage électrique est confié à la société FURE et MORGE de Vizille en 1925. Le décompte final indique 125000F à la charge de la commune qui a obtenu une subvention de 55000F.
Le prix forfaitaire de branchement est fixé à 215F. Le réseau d’éclairage de la voie publique comprend 30 lampes.

L’école – mairie

mairie-lmsmAutre réalisation importante, l’ensemble communal situé au chef-lieu comprenant le groupe scolaire, la mairie, les bains-douches, et le foyer municipal.
Le projet de 1913 attendra l’après-guerre pour être réalisé avec des modifications. Il prévoyait un groupe scolaire de deux classes avec mairie et logements de fonction au chef -lieu avec pour un effectif très élevé de 133 élèves en 1911! Une école mixte avec logement au Majeuil pour décharger celle du Mollard (60 élèves) et une salle de section et de réunions (vote et état civil) avec logement au Mollard. En 1926, l’emplacement du groupe scolaire, à la Molière, est fixé dans le pré Bernard acquis auprès de Mr Fayolle Achille.
Deux projets vont se succéder: le 1er en 1927/1928 de l’architecte FLECHERE sera abandonné à cause de la lenteur de son élaboration; le second en 1930 de son successeur SERBONNET tiendra compte de la volonté du Conseil qui s’exprime sur les réalités du moment et le style à donner au bâtiment, je cite: le développement de l’industrie minière, avec une nouvelle galerie ouverte, va retenir et même développer la population de la commune. Le groupe scolaire prévoit en conséquence quatre classes pour un effectif de plus de 100 élèves, 3 logements de fonction et une salle pédagogique postscolaire. Les directives de construction sont: prévoir large avec quelque confort, s’affranchir du banal modèle de série systématiquement employé pour les constructions scolaires.

Coût prévu:1 500 000F. L’attente de la subvention de 900000F pour toutes les écoles ne permettra l’achèvement du groupe qu’en 1935 et l’inauguration se fera en présence de notabilités avec des jeux et un feu d’artifice. Le même architecte établit le projet des bains-douches et du foyer municipal et familial. Les bains-douches sont construits en 1937/1939, comprenant 10 cabines; ils fonctionnent 3 jours par semaine au tarif de 10F pour le bain et de 5F pour la douche, la gratuité pour les écoliers. En 1945, une convention avec la compagnie des mines prévoit la gratuité des douches pour les mineurs des Béthoux 2 jours par semaine; la mine fournira 30t de charbon par an pour le chauffage et financera l’éclairage. Le foyer municipal et familial aura une bibliothèque et sera le lieu de conférences, causeries, cours professionnels, de séances de cinéma et de théâtre. Il sera réalisé en 1945/1946.

Les écoles du Mollard et du Majeuil

En 1920, l’inspection académique accepte le projet de création d’une école mixte au Majeuil pour 20 élèves. Elle est installée dans la maison d’un particulier louée 180F par an. En 1930, le conseil décide la construction d’une école mixte au centre du village qui sera réalisée malgré l’opposition de l’inspection académique qui retardera les travaux jusqu’en 1932/1933. Pour le Mollard, les projets de construction scolaire de 1928/1930 prévoient l’agrandissement de l’école mixte, construite au début des années 1880 au moment des lois FERRY, avec préau au rez-de-chaussée et salle pédagogique postscolaire au premier étage; travaux réalisés en 1932/1933.